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La Bolduc, trop sage

J’aurais tellement aimé vous parler avec enthousiasme de La Bolduc. Mais ce film est tellement académique, tant dans sa réalisation que dans son scénario, qu’on se demande comment on peut encore faire des films aussi convenus en 2018.

Dommage que la Bolduc n’ait pas eu droit à un film aussi achevé que les deux autres personnages plus grands que nature du Québec­­­, Maurice Richard et Louis Cyr.

UN CINÉMA TRADITIONNEL

Regardez la télé québécoise : c’est bourré d’inventions, de trouvailles de réalisation, d’angles de caméra originaux. Regardez des cinéastes comme Jean-Marc Vallée, Denis Villeneuve, Xavier Dolan ou la toute jeune Sophie Dupuis (Chien de garde). Et après, regardez La Bolduc : c’est réalisé comme si depuis 20 ans on n’avait pas évolué dans notre façon de raconter des histoires. La réalisation de François Bouvier est terriblement sage. Le scénario de Frédéric Ouellet manque d’audace. On est en 2018, on ne raconte plus la vie des gens riches et célèbres comme une banale Minute du patrimoine ! Quand la moindre série télé nous épate avec ses prouesses de réalisation, quand les salles de cinéma sont remplies de jeunes réalisateurs qui réinventent l’écriture dramatique, le public est devenu très exigeant. Les attentes sont élevées. La Bolduc, désolée de le dire, mais c’est vraiment le cinéma de grand-papa. Imaginez : quand on veut nous montrer que la Bolduc est déçue de sa vie de couple, on la montre poussant de gros soupirs devant sa robe de mariée. Misère, on a vu ça 25 000 fois dans les films, trouvez autre chose !

LA BOLDUC, FÉMINISTE ?

Le féminisme est à la mode. C’est bien. Mais ce n’est pas une raison pour le mettre à toutes les sauces et saupoudrer du féminisme là où il n’y en a pas. Au lieu de s’en tenir à l’histoire pourtant déchirante de Mary Travers (La Bolduc), on a voulu faire d’elle une championne de la lutte pour le droit des femmes. L’angle supposément féministe est brossé à gros traits, le sexisme de l’époque souligné au crayon rouge. Oui, la Bolduc obtient le droit d’administrer ses propres revenus, mais pas parce qu’elle le revendique : c’est son agent qui lui dit d’encaisser son argent durement gagné ! Si la Bolduc était si féministe que ça, pourquoi a-t-elle empêché sa fille Denise de faire carrière, en lui rappelant que la place d’une femme est auprès de son mari et ses enfants ?

Et quand sa fille s’insurge contre le fait que les femmes n’ont pas le droit d’avoir un compte en banque, pourquoi la Bolduc lui répond-elle : « C’est le Bon Dieu qui a voulu ça comme ça » ? Le film imagine même que Thérèse Casgrain dit à la fille de la Bolduc à quel point elle admire la chanteuse : « Jamais avant votre mère une femme n’avait osé prendre la parole en public comme elle le fait ». C’est inventé de toutes pièces ! Pourquoi réécrire l’histoire, si la Bolduc n’a jamais milité pour le droit de vote des femmes ?

LA BOLDUC 2.0

Si la Bolduc avait chanté la lutte des femmes ou milité pour l’émancipation financière, j’aurais compris l’angle féministe. Mais à l’ère de #moiaussi, on a simplement voulu plaquer une grille d’analyse de 2018 sur un personnage de 1940.

 

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