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Merci Raymond Cloutier

En cette ère post-Harvey Weinstein et #MeToo, on vit le meilleur (des victimes qui dénoncent des abuseurs) et le pire (des carrières détruites sans autre forme de procès).

Mais dès que vous vous questionnez, que vous prenez du recul et que vous posez des questions, vous vous faites traiter de traître à la Cause.

C’est pour ça que je suis ravie que Raymond Cloutier monte cet été, à Sutton, la pièce de théâtre Oleanna de David Mamet. Cette pièce raconte un jeu de pouvoir entre un prof exigeant et une étudiante militante, et parle de harcèlement psychologique et sexuel. Elle a été écrite en 1992, mais mon Dieu que c’est d’actualité !

LA SURVEILLANCE DES COMPORTEMENTS

Voici ce que Raymond Cloutier a écrit dans le communiqué de presse pour expliquer pourquoi il voulait non seulement monter Oleanna, mais aussi jouer le rôle du prof : « En ces temps de surveillance chirurgicale des comportements, j’ai trouvé pertinent de remettre à l’avant-plan ce récit dangereux et cruel.

Je cherche à créer une conversation autour de ce grand mouvement de dénonciation des harcèlements sexuels et psychologiques.

Quand tout devient blanc ou noir, il est important d’ouvrir le voile sur les nuances, sur les perceptions. Chaque histoire a une réalité. Certaines méritent un châtiment, d’autres méritent l’analyse. Banaliser les abus, si mineurs soient-ils, n’est simplement pas acceptable. Et du même coup, justifier les dérives au nom d’une purge salutaire nous rappelle des moments sombres de l’histoire. »

Merci Monsieur Cloutier ! C’est exactement ce genre de réflexions dont on a besoin dans le climat actuel.

Raymond Cloutier, fabuleux comédien, a longtemps été directeur du Conservatoire d’art dramatique. C’est lui qui a engagé le comédien Gilbert Sicotte pour qu’il y enseigne.

Quand Radio-Canada a décidé de faire une job de bras à Sicotte, Cloutier a été interviewé. « On est en train de détruire la carrière de quelqu’un. Il ne va pas devenir le Kevin Spacey du Québec », avait-il déclaré.

« Former un acteur, c’est dur. On veut que les acteurs soient eux-mêmes, qu’ils soient vrais. C’est difficile de faire ça. »

Dans Oleanna, l’étudiante se plaint de harcèlement sexuel, puis de viol, parce que le prof a posé sa main sur son épaule. « C’était exempt de toute connotation sexuelle », dit le prof. « Moi, je dis que ça ne l’était pas », répond l’étudiante.

Qui a raison, qui a tort ? Je me souviens d’avoir vu Oleanna montée au Quat’Sous à Montréal, dans une mise en scène de Micheline Lanctôt, avec Nathalie Mallette dans le rôle de l’étudiante et Germain Houde dans le rôle du prof. Je me rappelle d’avoir débattu ces questions à l’entracte et après la représentation : est-ce le prof qui va trop loin et qui harcèle l’étudiante ou est-ce elle qui va trop loin dans sa rectitude politique, appuyée par les militants de son collège ?

NI NOIR, NI BLANC

J’adore l’expression de Raymond Cloutier : « la surveillance chirurgicale des comportements ». Aujourd’hui, le moindre geste, la moindre remarque est analysée, décortiquée. N’importe qui peut dénoncer et se faire dire : « On te croit », même sans la moindre preuve.

Il ne faut pas banaliser les gestes graves, mais il ne faut pas non plus partir dans une chasse aux sorcières.

 

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