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A Cannes, une montée des marches 100% féminine pour dénoncer les inégalités

Voilà une image que l'on n'est pas près d'oublier. À l'initiative du collectif 5050 pour 2020, des femmes, et seulement elles, ont gravi samedi soir les marches du Palais des festivals de Cannes. Jane Fonda, Claudia Cardinale, Marion Cotillard, Salma Hayek… Quatre-vingt-deux actrices, cinéastes, productrices et techniciennes qui représentaient les 82 films réalisés par des femmes sélectionnés en compétition officielle depuis les débuts de Cannes. Cela pouvait sembler beaucoup, tous ces talons aiguilles qui foulaient le tapis rouge comme des camarades de combat, mais au regard des 70 précédentes éditions du Festival, on se rend compte à quel point c'est peu (5 %).

Lire aussi : Notre interview de Marion Cotillard à Cannes 

Après que toutes ont fait silence pendant de longues minutes, c'est ce qu'ont rappelé Agnès Varda (en français) et Cate Blanchett (en anglais) dans un texte lu à la moitié des marches, comme pour signifier qu'il en reste autant à gravir, notamment "pour l'égalité salariale". Un prologue choc et symbolique avant des engagements plus concrets : un plan de soutien financier aux réalisatrices du monde entier, annoncé aujourd'hui par le gouvernement ; une charte pour favoriser la diversité et la parité dans les festivals demain, signée par les responsables des sélections cannoises, trois hommes.

Après les Golden Globes et les Oscars, la vague née de la tempête Weinstein atteint logiquement la Croisette, où le producteur américain était comme chez lui jusqu'à l'année dernière. Si les femmes y ont toujours brillé, comédiennes inoubliables dans des films qui ont fait l'histoire du cinéma, les actrices y jouent tout autant les ambassadrices des marques de luxe qu'elles représentent à l'année des films qu'elles promeuvent pendant le Festival. Qui défend quoi? Qui le vaut vraiment bien? On ne sait plus.

La hotline anti-harcèlement a reçu de nombreux appels

Mais cette année, tout a été mis en œuvre pour que les participantes puissent prendre le pouvoir ailleurs que devant les objectifs. Le temps de la compétition, le Festival a mis en place un numéro d'urgence bilingue pour les victimes et témoins de harcèlement ou d'agression. L'initiative en avait fait sourire certains, mais elle semble se révéler utile. Selon la secrétaire d'État chargée de l'Égalité, Marlène Schiappa, venue visiter la hotline hier matin, de "nombreux appels" ont été reçus et une plainte a été déposée par "une femme anglo-saxonne".

Symbole fort s'il en est, c'est une cofondatrice du mouvement Time's Up, Cate Blanchett, qui est chargée de présider le jury de la 71e édition du Festival. Et l'Australienne, qui a dirigé un théâtre et est habituée aux rôles forts, n'a pas l'intention de se laisser marcher sur les stilettos. Dès le premier jour, elle n'a pas hésité à moucher un journaliste qui posait une question à l'adresse des seuls réalisateurs de son jury : "Vous pensez que les actrices sont trop bêtes pour répondre ?"

Dans le jury, la chanteuse burundaise Khadja Nin se fait également la porte-parole du coup de gueule que portent les actrices noires dans le livre Noire n'est pas mon métier (Seuil). Le collectif, composé de 16 comédiennes, dont Aïssa Maïga, a donc été invité à fouler le tapis rouge de Cannes mercredi.

Seulement 3 réalisatrices en compétition

S'il n'y a que trois réalisatrices en compétition officielle, "c'est toujours une de plus que les années précédentes", a positivé Cate Blanchett. À la Semaine de la critique, qui sélectionne des premiers et deuxièmes longs métrages, la moitié des films sont déjà mis en scène par des femmes. Elles s'emparent sans tabou de sujets sensibles, comme on le voit à Un certain regard, l'autre sélection parallèle : l'homosexualité (Rafiki, de Wanuri Kahiu), la maltraitance (Gueule d'ange, de Vanessa Filho, lire ci-contre), le déni de grossesse (Sofia, de Meryem Benm'Barek) ou le viol (Les Chatouilles, d'Anne Bescond).

Pas de quoi pourtant nous faire oublier un début de compétition officielle pas franchement enthousiasmant. L'an dernier, au même moment, on avait déjà été bouleversé par Faute d'amour, The Square et 120 Battements par minute. Pour l'instant, la Palme d'or n'a pas encore montré le bout de sa feuille. Certes, on a adoré la valse des sentiments de Christophe Honoré dans Plaire, aimer et courir vite. Mais les beaux effets visuels et musicaux de Leto, de Kirill Serebrennikov, virent tout de même au procédé ; l'histoire d'amour en noir et blanc de Pawel Pawlikowski, Cold War, manque d'émotion ; les interminables Éternels, de Jia Zhang-ke, n'ont pas la puissance radicale d'A Touch of Sin ; Yomeddine, d'A.B. Shawky, est trop naïf ; Jean-Luc Godard est terriblement sentencieux et ennuyeux dans Le Livre d'image.

On attendait donc beaucoup de la première réalisatrice en compétition, hier soir. Avec Les Filles du soleil, la Française Eva Husson raconte la lutte d'un bataillon de femmes kurdes pour libérer leur ville de Daech. Un film de guerre complètement raté, mal écrit et mal joué, à la mise en scène prétentieuse. Les sifflets de la presse ont "salué" le plus mauvais film de cette première semaine. Après tout, la parité se juge là aussi.

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