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Festival de jazz: Kamasi Washington, le cadet de l'espace

Si vous aviez entendu l’accueil qu’ont réservé les festivaliers au saxophoniste Kamasi Washington hier soir, au MTelus ! Des cris, des applaudissements comme s’il venait de remporter les élections, ou un match de boxe par K.O. au second round, ou le Mondial à lui tout seul face au Brésil. Il n’avait même pas poussé une note encore. « Ça fait du bien d’être de retour ! » s’est-il exclamé, avant de s’enquérir : « Are you here to have some fun ? »

Et comment ! Une semaine seulement après la parution de son nouvel album Heaven Earth, la salle affichait complet pour le retour à Montréal de celui qu’on a souvent décrit comme le « nouveau sauveur du jazz ». Il a surtout sauvé le funk, hier, apprêté certes avec une abondance de solos improvisés, mais le funk était clairement le plat de résistance de sa performance de près de deux torrides heures.

En entrée, la toute fraîche Street Fighter Mas, qu’il a présentée comme un hommage à son jeu vidéo préféré, ajoutant qu’il en était « honnêtement » le meilleur joueur. Or, c’est avec une sonorisation atroce, pendant les dix premières minutes de cette composition, que le Californien et son orchestre ont dû lutter, jusqu’à l’électrique solo de contre-basse de Miles Mosley, livré avec pédale wah-wah et archet, ça sonnait comme une guitare électrique.

Pour The Rhythm Changes (tirée de The Epic, 2015), Kamasi nous a présenté son papa Ricky qui, comme la dernière fois au Métropolis il y a deux ans, est venu partager le moment de gloire en secondant fiston au saxophone alto et à la flûte – il a servi un sympathique mais approximatif solo durant cette longue chanson traversée par plusieurs changements de rythmes, gros funk lourd d’abord, puis plus finement jazzé ensuite. Ici, belle contribution de la chanteuse et vocaliste Patrice Quinn, essentiel rappel de la présence des choeurs sur le dernier album.

Le tempo a certes ensuite ralenti, mais le rythme est demeuré funk pour Giant Feelings, composition du claviériste Brandon Coleman – le meilleur interprète de l’orchestre de Washington hier soir, avec Mosley, d’une assurance trompeusement tranquille. Comprenez ici que Kamasi, tout impérial soit-il avec ses albums concepts et son énergie contagieuse, n’est pas un virtuose du ténor. Il est d’abord un gars farci de bonnes idées, ensuite un rassembleur, et enfin un musicien fougueux et passionné qui dépoussière le jazz pour le rendre excitant et accessible à une nouvelle génération de mélomanes, ce qui est déjà amplement pour le célébrer.

Revenons-en au claviériste. Ce Coleman, il appert, a plus d’un talent dans son sac : tortionnaire de synthétiseur, pianiste hyperactif, et chanteur pourvu d’une voix au timbre fort et soyeux que l’on distinguait très bien malgré les effets de vocoder. Le funk de Giant Feelings a vite dérapé vers le jazz-fusion, alors que les cuivres (papa, fiston et le tromboniste Ryan Porter) dialoguaient avec le synthé d’un Coleman bruyant et endiablé.

Tirée du EP Harmony of Differences, la pièce Truth s’est avérée le moment fort de la soirée, précédée d’un bref discours de Washington qui insistait sur la beauté du monde et d’une différence non pas à tolérer, mais à célébrer. Plus douce, plus jazzée que funky aussi, portée par de belles harmonies et des mélodies qui tournent en boucle. Avec les gestes qu’il adressait à ses accompagnateurs, Kamasi Washington donnait l’impression de ne plus vouloir s’arrêter de la jouer, étirant la finale avec délicatesse.

Passons vite par-dessus le morceau duo des deux batteurs sur scène, Tony Austin et Robert Miller, pour nous rendre directement à l’apaisante The Space Travelers Lullaby, composition de Kamasi Washington qui en a éclairci le sens en se disant être un cadet de l’espace, et mine de rien, soudainement, tout devenait plus clair. Longue envolée jazz spirituelle, coulante et psychédélique, avec Coleman qui pousse un solo de piano comme une tornade de notes, pour ensuite nous faire atterrir en douceur. En conclusion, le soul-funk rythmé de Fists of Fury, mettant à nouveau en valeur la voix de Quinn. Nous aurions été déçu qu’elle n’ait pas été au programme de ce concert réjouissant, jusque dans ses fausses notes.

Un mot en terminant sur le quartet montréalais Anomalie, qui s’est parfaitement acquitté de sa tâche en première partie. Projet solo du compositeur/beatmaker/claviériste Nicolas Dupuis, Anomalie prend une forme nettement plus G-Funk sur scène qu’en studio, où les instrumentaux semblent vouloir inviter la participation de rappeurs. Hier soir, avec deux claviers, une basse et une batterie, l’ensemble a mis la table avec des grooves nettement inspirés du vieux son électro-funk californien, façon Roger Troutman (Zapp) et Funkadelic. Au diapason avec le taux d’humidité ambiant.

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