Lise Payette avait l’étoffe d’une grande intervieweuse. Diffusé de 1972 à 1975, Appelez-moi Lise reste parmi les talk-shows les plus populaires de l’histoire de la télé, faisant école. Pensez-y : l’émission était diffusée de 23h à minuit à Radio-Canada et restait incontournable, même à cette heure tardive. Personne ne réussirait un tel exploit de nos jours. TVA avait eu l’idée saugrenue de lui opposer un talk-show avec Réal Giguère et Dominique Michel, Altitude 755, mais ce fut un échec.
Après la politique, Mme Payette avait parfaitement réussi sa conversion à l’écriture de téléromans, d’abord avec La bonne aventure, qui dura quatre ans à Radio-Canada. Au sujet des Dames de cœur, on peut parler de phénomène social, tant les personnages ont marqué l’imaginaire. Pas tant ces quatre femmes qui tentaient de s’émanciper que le macho séducteur Jean-Paul Belleau, joué par Gilbert Sicotte, une popularité qui a surpris l’auteure elle-même.
Il faut se remettre dans le contexte des années 80 pour se rappeler à quel point une partie du Québec, le lundi à 20h, ne vivait que pour Des dames de cœur. Chacun des choix de Lucie, Claire, Évelyne et Véronique était commenté le lendemain, des journaux à la machine à café. Et tout le monde a retenu son souffle le soir où Jean-Paul a failli être tué par une voiture. Pour Un signe de feu, l’auteure allait réunir les personnages de ses deux premiers téléromans, avec moins de réussite.
Car bien qu’on lui rende hommage aujourd’hui, Lise Payette n’a pas fait que de bonnes choses. Marilyn a bien marché, mais elle a conclu sa carrière d’auteure avec Les machos et Les super mamies, qui n’auront pas laissé les meilleurs souvenirs. Elle en a tenu rigueur aux critiques, qui ne l’ont pas épargnée au fil des ans. Puis, il y a eu ses déclarations malheureuses à la fin de sa vie. Celles-ci ne devraient toutefois pas éclipser les accomplissements d’une brillante carrière.
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La télé a été généreuse avec Gilles Pelletier. Sa prestation dans le télé-théâtre Un simple soldat de Marcel Dubé en 1957 reste l’une de ses plus mémorables, mais il tiendra son plus grand rôle dans L’héritage, celui de Xavier Galarneau, qui lui vaudra deux trophées Artis au Gala MetroStar en 1988 et 1989. Un personnage pourtant infâme, qui avait abusé de sa propre fille et lui avait donné un fils, mais que le public aimait haïr. Je me souviens de grandes scènes entre Nathalie Gascon et lui, et ce rite autour de la mort de sa jument, un des moments les plus singuliers, mais aussi les plus beaux que j’aie vu dans un téléroman. Victor-Lévy Beaulieu avait réussi à conquérir le grand public avec une langue tout à fait unique, et Gilles Pelletier s’était approprié ce personnage dur et complexe. Sa froideur transperçait l’écran.
J’avais aussi adoré son Benjamin Thompson, beaucoup plus sensible et généreux, et du touchant duo qu’il formait avec Charlotte Boisjoli, dans Sous un ciel variable à Radio-Canada, dans les années 90. Un téléroman de cinq saisons que le diffuseur aurait tout intérêt à rediffuser en après-midi, au lieu des énièmes reprises des Belles histoires et du Temps d’une paix. Les plus vieux se souviendront aussi de son Capitaine Aubert dans Cap-aux-Sorciers, de Félix Joli dans Rue de l’Anse et du Dr Laurent Desgagné dans Septième Nord. Gilles Pelletier a tenu un de ses derniers rôles à la télé dans Virginie.
Pour reprendre les mots d’Yves Desgagnés, «deux importantes colonnes du temple de notre société francophone» se sont écroulées avec la mort de Lise Payette et de Gilles Pelletier. Mais l’héritage de cette dame de cœur et de ce distingué marin demeure bien vivant.
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