La mère de David Fortin lui écrit une touchante lettre - Le Journal de Montréal

Il y a dix ans jour pour jour, David Fortin, 14 ans, était vu pour la dernière fois à Alma, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Sa disparition allait faire parler aux quatre coins du Québec et entrainer un débat sur l’intimidation en milieu scolaire, dont était victime l’adolescent.

Le matin du 10 février 2009, David Fortin est sorti plus tôt qu’à l’habitude pour prendre l’autobus scolaire. Il n'est cependant jamais monté à bord.

Ce matin-là, il avait demandé à sa mère de venir le porter à l’école, mais elle ne pouvait pas. C’est la dernière fois qu’elle a vu son fils.

Selon les différents témoignages recueillis après sa disparition, David Fortin n’en pouvait plus d’être constamment humilié et harcelé à l’école qu’il fréquentait. Depuis son primaire, il était la cible récurrente des autres enfants.

Depuis, la Sûreté du Québec a reçu des dizaines d’informations. Plusieurs se sont avérées erronées, comme celle qui laissait entendre que le jeune homme avait été vu sur le traversier entre Berthierville et Sorel-Tracy en mars 2009. Il s’agissait finalement d’un sosie.

Il aurait aussi été aperçu à Métabetchouan et à Lac-Bouchette au Lac-Saint-Jean dans les heures qui ont suivi son départ de la résidence familiale. La police n’a toutefois jamais été en mesure de confirmer les informations.

Malgré toutes les fausses pistes, la famille de Davis Fortin n’a jamais perdu espoir. Son portrait a été diffusé partout au Canada. L’enquête demeure ouverte à la SQ.

Il y a trois ans, le Réseau Enfants-Retour a diffusé un portrait renouvelé de David Fortin, donnant un aperçu de ce à quoi il pourrait ressembler aujourd’hui.

Dix ans plus tard, Caroline Lachance interpelle son fils, qui aurait 24 ans, dans une touchante lettre. Elle y décrit des souvenirs de son enfant, fait part des questions qui la tiraillent depuis sa disparition et soutient avoir toujours espoir de retrouver David.

La lettre en entier:

Que reste-t-il après dix ans?

Dix années à continuer de te chercher et d'espérer te retrouver.

Espérer aussi que tu sois bien où tu es.

Mais où es-tu?

Voilà la vraie question, mais quelle est la réponse!

Combien de temps encore va-t-il se passer sans te revoir?

Comment va-t-on faire pour continuer sans toi à nos côtés?

Qui détient l'information nécessaire et importante pour nous aider à te retrouver.

Toutes ces questions, je me les pose depuis dix ans.

C'est impossible que toi, un petit jeune homme de 14 ans, tu aies pu réussir à te faufiler parmi tous ces gens qui te cherchaient sans l'aide de personne.

Il y a quelqu'un qui, peut-être sans le vouloir ou sans savoir que tu étais en fugue et recherché, t'as embarqué dans son auto ou son camion.

Ou tout simplement vu marcher je ne sais où.

Pourquoi n'avons-nous pas l'information importante et nécessaire pour te retrouver?

Que reste-il de ces 14 années avec toi?

Des beaux souvenirs à te voir rire et sourire.

Cuisiner, décorer, aider les autres, jardiner, travailler.

Aimer la musique, les fêtes, le camping et que dire de ta façon de monter ta tente. Nous étions tous surpris de constater qu'il n'y manquait rien à l'intérieur.

Tellement que ta sœur aimait maintenant mieux dormir dans la tente avec toi.

Tout un exploit, mais faut dire que tu lui avais fait un nid assez douillet et confortable.

Et tout ça malgré ta souffrance intérieure.

Pourquoi un jeune homme aussi attachant que toi n'a pas réussi à se faire un seul ami avec qui partager, s'amuser, parler, un seul avec qui tu aurais pu livrer ta souffrance. Ça t'aurait grandement aidé et fort probable, tu n'en serais pas rendu là. Tu serais sûrement encore avec nous.

J'espère que ceux qui t'ont intimidé constatent le mal qu'ils t'ont fait, le mal qu'ils nous ont également fait.

Et maintenant, on se doit de continuer.

Garder espoir...

Garder force et courage...

J'avoue que j'ai peur...

Peur de ne plus être capable d'avancer...

D'échouer ce combat, oui un combat pour survivre à cette trop grande épreuve.

Je suis faible comparée à toi qui a tant souffert d'être rejeté des autres.

Tu as su garder ton beau grand sourire jusqu'à ton départ pour la maison.

C'est cette image qui me revient toujours.

Te voir au pied de l'escalier avec ton beau grand sourire.

Je t'aime mon fils et tu me manques tellement, je dirais même plus qu'avant.