Il y a de ces livres qui nous chavirent et nous restent en tête longtemps après les avoir lus. C’est exactement ce qu’a ressenti la cinéaste Louise Archambault il y a quelques années après avoir découvert le roman Il pleuvait des oiseaux de l’auteure Jocelyne Saucier, dont elle signe aujourd’hui une adaptation cinématographique.
« C’est un roman qui m’a habitée pendant un bon moment », explique la réalisatrice en entrevue au Journal, quelques jours avant la sortie de ce nouveau film, son premier depuis Gabrielle (2013).
« Même si je lis beaucoup de romans dans la vie, je revenais toujours à celui-ci. Le climat, l’atmosphère et la thématique du livre m’habitaient, comme si c’était plus grand que moi. Je voyais des images en le lisant et j’ai commencé à me demander s’il y avait un film à faire avec cette histoire. J’ai rapidement eu envie de partager cette histoire avec d’autres.
« J’ai donc contacté l’auteure Jocelyne Saucier et on a organisé une rencontre. Elle avait vu mon film Gabrielle et j’ai senti que ça l’avait rassurée dans ma démarche et qu’elle était prête à me faire confiance. On a beaucoup discuté ensemble et elle a suivi le développement du projet de loin. Mais à un moment donné, elle m’a dit : je te laisse aller. »
Au nom de la liberté
Paru en 2011, le roman Il pleuvait des oiseaux raconte l’histoire de trois vieux ermites (joués dans le film notamment par Gilbert Sicotte et Rémi Girard) qui vivent reclus dans le bois. Leur quotidien sera chamboulé par la mort de l’un d’entre eux et par l’arrivée d’une femme octogénaire (Andrée Lachapelle) qui a été injustement internée pendant toute sa vie.
« Pourquoi avoir choisi de faire un film avec des ermites dans le bois ? Je ne sais pas ! lance en riant Louise Archambault. Je pense que ce que j’ai aimé dans cette histoire, c’est le regard sur la différence et sur l’Autre.
« Il y avait aussi quelque chose de brut avec la forêt qui est là et qui est plus grande et forte que nous. Les personnages du film ont un bagage assez lourd et ils ont fait des choix difficiles. Leurs parcours sont atypiques et souvent inversés. Ils se donnent le droit d’être ce qu’ils sont et d’expérimenter des choses, au nom de la liberté. J’avais envie de les mettre en scène. Pour moi, leur histoire parle d’espoir, mais aussi de la vie et de l’amour qui peut survenir à n’importe quel âge. »
Tournage en forêt
La nature et la forêt jouent forcément un rôle important dans cette histoire. L’auteure Jocelyne Saucier, qui réside à Rouyn-Noranda, s’était d’ailleurs inspirée des grands feux de forêt de 1916 pour écrire le roman.
Pour s’assurer de bien capturer l’ambiance et l’énergie de la forêt boréale, Louise Archambault et son équipe sont allées tourner pendant plusieurs jours au milieu de la forêt Montmorency, à 70 km au nord de Québec.
« On l’a vraiment choisie, notre nature, souligne la cinéaste de 49 ans. On était vraiment dans la forêt boréale. On n’aurait pas pu tourner un film comme ça autour de Montréal. On voulait aller chercher le son et l’écho de la forêt. On partait en 4 roues le matin pour aller tourner dans le bois. Ça aidait pour les acteurs aussi. Le fait d’être là les a aidés à se glisser dans la peau de ces personnages. »
► Le film Il pleuvait des oiseaux prend l’affiche vendredi (le 13 septembre).
Le chant du cygne d’Andrée Lachapelle
La réalisatrice Louise Archambault a rapidement eu l’idée de proposer le rôle principal féminin de son film Il pleuvait des oiseaux à Andrée Lachapelle. Mais elle était loin d’être sûre que la grande actrice de 87 ans lui ferait l’honneur d’accepter.
Or, non seulement Andrée Lachapelle a accepté la proposition de Louise Archambault à un moment très difficile de sa vie (son conjoint, le cinéaste André Melançon, était décédé quelques mois plus tôt), mais elle a aussi annoncé rapidement qu’il s’agirait de son tout dernier rôle à l’écran.
« Andrée ne voulait plus jouer, mais je l’ai convaincue assez facilement parce qu’elle avait adoré le roman de Jocelyne Saucier », explique Louise Archambault.
« Quand je lui ai offert le rôle, elle a dit : OK, ce sera mon chant du cygne, je vais le faire. Ça m’a soulagée parce que je pensais déjà à Andrée quand j’écrivais le scénario. Je voulais une actrice qui avait quelque chose d’incandescent en elle ; une femme gracieuse, en apparence fragile, mais qui avait aussi en elle une certaine force. J’avais beau essayer de penser à d’autres actrices, je n’en trouvais pas qui avaient cela autant qu’Andrée ».
Malgré des conditions parfois exigeantes en forêt, le tournage du film s’est bien déroulé pour Andrée Lachapelle. Selon Louise Archambault, la générosité de Gilbert Sicotte et de Rémy Girard et la complicité qui s’est développée au sein du trio d’acteurs ont beaucoup aidé à mettre en confiance Mme Lachapelle sur le plateau de tournage.
« Au début, elle avait de la misère avec son texte et un peu de difficulté à bouger, relate Louise Archambault. Mais à mi-chemin pendant le tournage, j’étais obligée de lui dire que son personnage sortait d’un centre psychiatrique et qu’elle ne pouvait pas embarquer aussi vite sur un 4 roues ! J’ai senti que ça lui avait fait du bien de revenir sur un plateau. Je l’ai vue renaître pendant le tournage. »
Même son de cloche du côté de Rémy Girard : « Je pense que pour Andrée, ce tournage a été un beau moment d’espoir, souligne l’acteur. Elle a traversé un moment difficile dans sa vie après la mort de son André. Elle nous disait que depuis qu’elle était sur le plateau avec nous, elle réussissait à se sortir de cette peine et cette douleur-là. »
S’abandonner
C’était la quatrième fois qu’Andrée Lachapelle et Gilbert Sicotte avaient l’occasion de travailler ensemble. « J’ai déjà joué son fils dans Cap Tourmente et son ex-amant dans Comme un voleur », rappelle Sicotte en riant. Mais dans Il pleuvait des oiseaux, ils ont dû tous les deux sortir de leur zone de confort pour jouer deux personnes âgées qui redécouvrent l’amour alors qu’ils ne s’attendaient plus à revivre ce genre de sentiment. Andrée Lachapelle a même dû tourner une scène d’amour pour la première fois de sa belle et longue carrière.
« Pour cette scène-là, il fallait qu’elle s’abandonne, dans les yeux, dans la peau, dans le restant du corps, explique Gilbert Sicotte. Personnellement, je ne pensais jamais que j’allais rejouer une scène de lit dans ma vie. Il y avait un grand défi là-dedans pour moi aussi, mais je savais qu’avec Louise [Archambault] derrière la caméra, ce serait fait avec douceur et sensibilité. »
Jouant tous les deux de vieux ermites qui ont décidé chacun de leur bord d’aller vivre cachés en forêt pour fuir les problèmes de leurs vies, Gilbert Sicotte et Rémy Girard disent avoir été bouleversés par la lecture du scénario de Louise Archambault.
« Ce qui m’a interpellé, c’est la grande liberté de ces personnages, observe Girard. En ce qui concerne Tom, mon personnage, c’est aussi sa profonde solitude. S’il avait continué à chanter dans les bars, il serait mort d’alcoolisme et de déchéance. Comment il s’est retrouvé dans le bois ? On l’ignore. Mais ça lui a permis de survivre. »
« J’ai vraiment été troublé et dérangé à la lecture du scénario, révèle pour sa part Sicotte. J’ai été touché par leurs décisions par rapport au destin de la vie et leur courage de tout abandonner pour aller vivre en forêt. Je trouve que ça demande beaucoup de courage de quitter le confort de son la-z-boy et sa télévision couleur pour aller vers l’inconnu. Mon personnage, par exemple, va en forêt pour mourir, mais il va finalement trouver la vie et même l’amour. C’est lumineux. C’est un film lumineux. »
https://www.journaldemontreal.com/2019/09/08/il-pleuvait-des-oiseaux-une-ode-a-la-vie
Bagikan Berita Ini
0 Response to "Il pleuvait des oiseaux: une ode à la vie - Le Journal de Montréal"
Post a Comment