Après avoir gardé le silence pendant des décennies, la comédienne et écrivaine Francine Ruel lève le voile, avec beaucoup d’émotion, sur une situation qui la touche personnellement : l’itinérance de son fils. À travers le personnage d’Anna, elle raconte l’insoutenable réalité d’une mère qui doit faire le deuil d’un enfant vivant dans son nouveau roman, Anna et l’enfant-vieillard.
Anna, une couturière, raconte comment son fils Arnaud s’est perdu dans la drogue, puis dans la rue. Elle a tout essayé pour l’empêcher de vivre une pareille descente aux enfers. Mais en vain. Elle raconte des fragments de sa vie de mère et de celle de son fils.
Ce qu’elle raconte est transposé de la réalité. Dans les années 1980, son propre fils a été grièvement blessé par balle alors qu’il circulait sur l’avenue du Parc, à Montréal. Les séquelles physiques et psychologiques ont été terribles et il ne s’en est jamais remis.
Donner la parole aux mères
Francine Ruel, en entrevue, déclare qu’elle était prête à en parler, même si c’est un sujet poignant, difficile.
« J’avais envie de donner la parole à ces mères qu’on entend peu. À ces mères qu’on n’entend pas parler de ce sujet-là qui est un peu tabou en société, qui est particulier. Quand il y a un nom qui est mis sur un comportement particulier, un comportement déviant ou un comportement hors-norme, ou sur une maladie, tout le monde est rassuré parce que ça porte un nom. Et quand ça n’en porte pas... c’est très particulier. »
Virage à 180 degrés
Francine Ruel avait envie, aussi, de faire un virage à 180 degrés dans l’écriture, se détachant des quatre livres sur le bonheur.
« J’ai essayé d’être plus une peintre qu’une auteure, en allant chercher des images fortes. Je voulais que le lecteur se fasse une idée de cette histoire, sans jamais la juger, sans jamais expliquer. »
Elle ne voulait pas écrire un récit et souhaitait aborder ce sujet très exigeant émotivement avec une certaine distance. « Je me disais, comment j’aborderais ce sujet ? C’est Anna qui raconte l’histoire. Anna est une couturière, mais n’a pas le pouvoir de réparer des pans de la vie de son enfant. »
Ce qu’elle a écrit n’est pas un témoignage, mais un roman. « Je présente deux personnages, un fils et une mère, qui s’aiment beaucoup, mais le fils a perdu pied. La mère ne sait plus quoi inventer et quoi faire pour le sortir de là. Elle réalise, en se faisant aider, qu’elle a besoin de faire le deuil d’un enfant vivant et ne sait pas comment on fait ça. »
Lâcher prise
L’écrivaine explique qu’elle a dû apprendre à lâcher prise. « Comme me l’a répété ma propre psy, on ne peut sauver personne. On ne peut changer personne. On peut aider. Mais on ne peut pas faire à leur place. Et c’est de cette impuissance-là que j’avais envie de parler. À un certain âge, nos enfants, ce sont des adultes. Ils font leurs choix et il faut accepter ça. »
Elle-même n’a pas parlé publiquement de l’accident de son fils, qui a été très médiatisé à l’époque. « Lui n’était plus capable de supporter ça. J’ai décidé de lui donner un break et de ne pas en parler. »
C’est toutefois à partir de là que tout a déraillé. « Il y a des gens qui se sortent d’événements, dans la vie, et qui retombent sur leurs pieds. Mais on ne sait pas pourquoi. Il y a des gens résilients, d’autres qui ne sont pas capables. Et c’est ça qui est effrayant : on ne peut rien faire. À part de les aimer, et de dire tout ce qu’il y a de magnifique chez eux. Et c’est ce que j’ai fait. »
♦ En librairie le 4 septembre.
♦ Francine Ruel a interprété plusieurs rôles dans des films et des séries télévisées, dont Scoop, qui lui a valu en 1993 un prix Gémeaux pour la meilleure interprétation dans un rôle de soutien.
♦ Elle a écrit des émissions pour enfants, des dramatiques, des pièces de théâtre et des chansons.
♦ Elle a publié Ma mère est un flamant rose, Petite mort à Venise, Bonheur, es-tu là et Le bonheur est passé par ici, aux Éditions Libre Expression.
EXTRAIT
« – J’ai besoin de faire le deuil d’un enfant vivant. Et je ne sais pas comment faire ça.
C’est ce qu’Anna a répondu à la dame assise en face d’elle, quand celle-ci lui a demandé pourquoi elle venait consulter.
Un enfant qui vient de mourir et qu’on doit laisser partir, à qui on doit faire des adieux définitifs ; le corps qu’on doit mettre en terre ou envoyer à l’incinération, pour repartir ensuite avec ses souvenirs et son immense chagrin à jamais tatoués sur le cœur... Ça, elle pouvait arriver à l’imaginer, même si ça lui semblait être la chose la plus difficile à accomplir pour un parent. Mais quitter un enfant vivant, même si c’est pour son bien, comment arrive-t-on à faire cela ? »
https://www.journaldequebec.com/2019/09/01/la-descente-aux--enfers-dun-enfant
Bagikan Berita Ini
0 Response to "Weekend La descente aux enfers d'un enfant - Le Journal de Québec"
Post a Comment