Depuis l'annonce de la vente du FC Sochaux-Montbéliard (FCSM) par PSA, en 2014, « il y aurait de quoi faire une série Netflix », lance Mathieu Triclot, enseignant-chercheur en philosophie et président de Sociochaux. En 2018, ce supporter du club de football doubiste avait lancé cette association - calquée sur le modèle des « socios » espagnols - pour défendre un modèle d'actionnariat populaire. « C'était un modèle de sauvegarde en cas d'urgence, lié aux erreurs de la gestion de l'ancien propriétaire chinois, Ledus » explique-t-il. Le club venait d'être donné en gage par Ledus à son compatriote Nenking en contrepartie d'un prêt.
Pendant près de 90 ans, la vie du FCSM avait été indissociable de celle de Peugeot. Pendant des décennies, le samedi soir avec femmes et enfants, les ouvriers applaudissaient tous leurs joueurs au stade Bonal, situé à côté des ateliers. Le club des Lions - l'emblème du constructeur automobile - avait été fondé en 1928 par deux ouvriers footballeurs de l'usine de Sochaux, avec le soutien du directeur, Jean-Pierre Peugeot. Les Jaune et Bleu, deux fois champions de France avant-guerre, gagnèrent aussi une Coupe de la Ligue, deux Coupes de France (la dernière en 2007) et se hissèrent jusqu'à la demi-finale de la coupe de l'UEFA en 1981.
« Un lâchage »
Mais en mai 2014, six jours après la relégation en Ligue 2, le bruit qui court depuis quelques semaines se confirme : PSA annonce vouloir vendre le FCSM. « Un lâchage qu'on n'a jamais compris », se souvient, amer, Jean-François Bonnet, président du club de supporters de 2000 à 2019. L'industriel vient de faire entrer à son capital le constructeur chinois Dongfeng et l'Etat français, et la famille Peugeot n'en détient plus que 14 %. Le nouveau patron, Carlos Tavares, n'est pas fan de ballon rond. « La vente du club, c'est un symbole. Il veut montrer que la gestion à la papa, c'est fini, qu'il est un vrai directeur au pouvoir », analyse l'historien local Pierre Lamard.
En juillet 2015, PSA vend son club de foot à Ledus , spécialiste des éclairages et filiale de Tech Pro, un groupe coté à la Bourse de Hongkong. Pourquoi un tel repreneur ? Mystère, tout comme le montant de la vente. La somme de 7 millions d'euros est évoquée, mais, sur le forum Planète Sochaux, une version circule selon laquelle le FCSM aurait pu être « donné » à cette « boîte fantôme ».
« Nous, simples supporters, nous nous rendons compte de l'arnaque en une demi-journée. Tech Pro perdait 10 millions d'euros par an. Je ne peux pas croire que le directeur financier de PSA n'avait rien vu », assène Fabrice Lefèvre, président de Planète Sochaux. Contacté, le constructeur ne souhaite plus s'exprimer sur le sujet. « Plus tard, une enquête de 'L'Est républicain' a conclu que PSA aurait 'offert' le club pour 50.000 euros en acceptant 15 millions d'euros dans les caisses. 'L'Equipe' a repris l'info et PSA n'a jamais démenti. »
« Ce n'était pas un gros risque »
Le PDG de Ledus lui-même, Wing Sang Li, est nommé président du club. Mais avec les supporters et les élus du territoire, le courant passe mal. « M. Li arrive a à priori plein d'argent, mais on s'aperçoit vite qu'il ne connaît rien au foot », juge Charles Demouge, président de l'agglomération, la collectivité propriétaire du stade Bonal et du centre de formation. « Il dispose du fonds laissé par PSA, vend les joueurs et s'achète une Tesla » affirme-t-il.
Entre 2015 et 2018, c'est la descente aux enfers pour le FCSM. Avec un déficit structurel de 5 millions d'euros par an, ses passages devant la DNCG, le gendarme financier du foot français, sont de plus en plus acrobatiques. Au printemps 2018, Wing Sang Li tente un accord avec le club espagnol d'Alavés et emprunte près de 4 millions d'euros à Nenking, un conglomérat aux multiples activités… dont le sport. Incapable de rembourser, il lui cédera finalement le club. Après en avoir pris le pilotage à l'été 2019, Nenking en devientpropriétaire à 100 % fin avril.
« Nous cherchions à nous implanter dans le foot en Europe et 4 millions d'euros, ce n'était pas un gros risque », raconte Samuel Laurent, le nouveau directeur général du club. Coïncidence, ce Français baroudeur, parlant le chinois et « conseiller depuis cinq ans » du PDG de Nenking, est né dans le pays de Montbéliard. Son grand-père et son grand-oncle ont même joué au club - « ils sont encore en photo dans les vestiaires », a-t-il découvert.
Les supporters soufflent, rassurés par ce nouvel actionnaire qui, à l'été 2019, a pu débloquer 4 millions d'euros supplémentaires pour éviter la relégation et vise une remontée en Ligue 1 d'ici à trois ou quatre ans. « C'est jouable », estime Jean-Guy Jurettigh, le nouveau président du club de supporters.
August 21, 2020 at 12:14PM
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Le FC Sochaux passé de la famille Peugeot à la Chine - Les Échos
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