MONTRÉAL - Le docteur Yves Lamontagne, qui a présidé le Collège des médecins de 1998 à 2010, croit que le gouvernement Couillard «s'est mis un pied dans la bouche de façon épouvantable» en versant 2 milliards $ aux médecins spécialistes alors que leur rémunération avait déjà rattrapé et même dépassé celle de leurs confrères d'autres provinces.
Selon l'entente dévoilée la semaine dernière, Québec paiera 2 milliards $ pour la période couvrant les années 2015 à 2023. Les spécialistes auront droit à une augmentation de 11,2 % sur huit ans, ce qui représente un montant de 511 millions $. En plus, les médecins obtiendront une somme non récurrente de 1,5 milliard $ visant à régler une dette accumulée pour des sommes non allouées depuis 2012.
«Pour une fois, je suis d'accord avec Amir Khadir qui a dit que c'est une honte et qu'ils auraient dû prendre cet argent-là et le mettre pour les soins à domicile», a dit M. Lamontagne, mercredi, en entrevue avec Mario Dumont, à LCN.
«L'élection va porter là-dessus. Le malheur, c'est qu'à chaque maudite élection, c'est toujours sur la santé. Ça va aller mieux, on va mettre plus d'argent, mais chaque fois ça ne change pas», a-t-il poursuivi.
Yves Lamontagne a souligné que certains médecins se disent «mal à l'aise», allant jusqu'à l'écrire noir sur blanc dans des lettres ouvertes publiées dans des quotidiens.
Au lieu de sortir essentiellement pour parler d'argent, les médecins spécialistes québécois auraient tout avantage à partager des idées pour être «plus efficaces», croit M. Lamontagne.
«On a un problème d'image et plus ça va, plus l'image se dégrade», a indiqué M. Lamontagne, qui a écrit plusieurs livres et mené une carrière en psychiatrie.
L'organisation du travail
Parmi les solutions qu'évoque M. Lamontagne, il y a celle de s'attaquer à l'organisation du travail en revoyant les tâches de chacun des professionnels de la santé.
«Je vais partir des médecins, a-t-il dit. On a donné à des infirmières des choses à faire. Ils en ont donné six récemment. Exemple: les infirmières peuvent maintenant suivre des malades qui souffrent de diabète. Les infirmières pourraient faire la même chose avec les infirmières auxiliaires, puis les infirmières auxiliaires avec les préposés.»
Pour désengorger le système et réussir le virage souhaité, il faudra arrêter de travailler en silo et se pencher sur l'organisation du travail, selon Yves Lamontagne, qui voit dans la situation actuelle, non seulement l'entente de rémunération des médecins spécialistes, mais aussi les sorties d'infirmières à bout de souffle «qu'on a un sérieux problème là qu'il faut régler», dit-il.
«Je vous donne un exemple qui m'a horrifié. Quand mon père était aux soins palliatifs dans un grand hôpital de Montréal, la préposée aux malades est arrivée avec un plateau pour le faire manger, mon opère a dit, j'étais là, «pouvez-vous approcher le plateau, il est trop loin». Elle lui a répondu d'appeler une infirmière, car ce n'était pas dans ses tâches.»
Le gouvernement Couillard pourrait se tourner du côté des hôpitaux anglophones pour voir d'autres modèles, d'après M. Lamontagne. «Pourquoi les anglais réussissent. Les infirmières travaillent 12 heures par jours, trois jours par semaine. Les infirmières de McGill, vous ne les entendez pas se plaindre», a-t-il laissé tomber, en disant qu'«au Québec, par habitant, on a plus d'infirmières que partout ailleurs au Canada».
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