Fanny Bloom avait envie «d’un album printanier». Comme par hasard, l’hiver a pris une pause et la météo des derniers jours est douce et agréable – bon, hormis quelques flocons. Le parfait décor pour ce nouvel opus gorgé de soleil et de chansons d’amour. Coïncidence?
«Je pense qu’on fait toujours la musique qu’on a besoin de faire. Je crois qu’à ce moment-là, et encore aujourd’hui, je suis dans ce mood-là : léger, confortable, joyeux, heureux, ludique. Je suis très bien et ça paraît sur l’album», affirme Fanny Bloom, bien heureuse que la météo soit en phase avec son nouvel album, Liqueur.
Ce quatrième album solo est-il plus pop que ceux qui l’ont précédé, selon la chanteuse? Si elle hésite longtemps avant de répondre, elle finit par avouer que oui. «Je pense qu’on va l’assumer et on va le dire : c’est plus pop. Pis, c’est vrai que c’est moins alternatif. Pis c’est sûr que je prends des tournants en étant très consciente de ce que je fais au niveau des structures musicales, au niveau des thématiques aussi, les refrains qui sont très assumés “power pop”.»
Depuis la fin de la Patère rose, il y a de cela 10 ans, Fanny Bloom a «acquis deux, trois connaissances pop» qui ont, forcément, teinté sa musique. «À force d’écouter [de la musique pop] et d’analyser cette musique-là, je pense que c’est en train de s’inscrire profondément dans ma façon de produire et d’écrire.» Celle qui considérait sa musique comme pop-alternative il y a de cela quelques albums est enfin prête à s’assumer. «Peut-être que j’ai moins peur de mettre le mot pop en avant.»
Parlant de la Patère rose, pour cet album, Fanny Bloom a retrouvé ses anciens collaborateurs, Thomas Hébert et Julien Harbec. Ces nouvelles chansons sont le fruit d’un travail à trois, explique-t-elle : «On a été trois à s’asseoir et à créer ces chansons-là ensemble. Je ne suis pas arrivée avec des chansons toutes faites et je n’ai pas dit aux gars: “OK, arrangez-les.” C’est vraiment les trois têtes, on partait de rien et on créait». La chanteuse a beaucoup fait confiance à ses collaborateurs, et ce fut visiblement payant.
Le résultat est un album où toutes les chansons sont différentes, mais dont le tout n’est pas éclectique. «Il n’y a rien qui m’embête plus que d’avoir l’impression d’écouter un album où c’est toujours la même chanson. Je trouve que les moods sont très importants. On a beaucoup travaillé ça avec les arrangements. J’ai simplement le souci de ne pas me répéter à l’infini.» De quoi ravir ses auditeurs.
L’amour, toujours l’amour
Fanny Bloom se fait souvent dire qu’elle ne crée que des chansons d’amour, ce qu’elle ne nie pas, mais il y a un mais. «J’ai l’impression que, sur cet album-là, j’ai abordé [ce thème] avec des angles différents. J’ai beaucoup été sombre avant, il y en a beaucoup de mélancolie et de trucs difficiles et tout ça, et maintenant, je pense que j’aborde ça avec un œil plus heureux, léger.»
«C’est un album qui est un peu sensuel aussi. Comme une chaude nuit d’été.» – Fanny Bloom
Une bonne partie de ce que Fanny Bloom chante est directement inspirée de sa vie personnelle. Un exemple? La pièce Lily, tirée de son nouvel album, où elle chante en adoptant le point de vue d’une femme qui n’aurait pas connu la mère de son amoureux. «Ça c’est vrai, tu vois. C’est un vrai rêve, la première phrase de la chanson. J’étais seule au chalet quand c’est arrivé. J’avais mon piano là-bas et je me suis dit : “Ah, peut-être que ça, c’est un bel angle à aborder, que je n’avais pas abordé.”» Certes, au final, c’est une chanson d’amour, mais avec une twist. «C’est de pas avoir connu la personne qui a mis au monde la personne que tu aimes. C’est fucked up, en fait. Regarder ses traits et de se dire : “Hé man que j’aimerais donc savoir d’où tu viens.” C’est quelque chose qui m’habite beaucoup, ça, sa mère. J’ai eu envie d’y rendre hommage, un peu.»
La pop boudée
Questionnée à savoir si elle trouvait que les radios faisaient jouer assez de musique pop, de la vraie, celle qui est sucrée, entraînante et accrocheuse, Fanny Bloom est on ne peut plus catégorique : non. Un gros, gros non.
Même si sa musique est très facile à écouter, elle est consciente que certaines de ses pièces risquent peu de se retrouver à la radio. «Je pense qu’il y a un gros travail qui a été fait, par exemple dans cet album-là, que je suis à peu près certaine que plusieurs radios ne prendront pas le temps de découvrir et d’apprécier», affirme-t-elle, expliquant que la diversité du milieu musical est un sujet qui lui tient particulièrement à cœur.
La pop, selon elle, est boudée par les radios «pour les mauvaises raisons». Pourquoi donc? «Je pense qu’on a un gros côté paresseux. On n’ose pas beaucoup. On a un gros problème de confort. On se fait dire par les radios : “Ouais, mais ce n’est pas ça que les gens veulent écouter”, pis finalement, c’est une roue qui tourne à l’infini parce que les gens, ce qu’ils écoutent, c’est ce qu’on leur propose.»
C’est à cause de ce cercle vicieux que plusieurs (nouveaux) artistes peinent à faire entendre leur matériel. «On entend le même disque depuis 40 ans! Il n’y a pas assez de diversité et c’est un gros, gros problème. On s’accroche à certains artistes et ils sont là pour 10 ans, 15 ans. On les spine, on les spine, on les spine. On ferme les yeux sur tellement d’affaires», ajoute-t-elle.
Si elle avait à laisser de côté sa carrière de chanteuse, Fanny Bloom en profiterait sûrement pour devenir «cette personne qui choisit les choses de la radio» dans le but de «botter les fesses de toute cette industrie».
Si c’est le genre de constat qui pourrait décourager un artiste de créer de la nouvelle musique, ce n’est pas Fanny Bloom qui se laissera abattre : «Un moment donné, on ne peut pas juste penser à ça et être malheureux. Tout n’est pas noir, mais on aurait besoin d’un petit coup de pied dans le pet.» Et son album fait justement ça.
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