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Le cinéma québécois: une porte qui grince

Pensez-y deux secondes : on ne peut même pas remplir le Centre Bell avec tous les cinéphiles qui ont vu Les Affamés, l’Iris du meilleur film dimanche soir au gala du cinéma québécois. Le film de zombies de Robin Aubert n’a fait que 20 800 entrées.

Est-ce que c’est le public québécois qui manque de goût (et va voir par milliers des films qui ne sont pas dignes d’un prix) ou est-ce le milieu qui est snobinard (et récompense des films qui passent huit pieds au-dessus de la tête du spectateur moyen) ?

LA QUESTION QUI TUE

Comme l’a démontré Cédric Bélanger dans Le Journal hier, les films les plus populaires n’ont pas reçu de nominations alors que les films qui ont reçu le plus de prix sont... parmi les moins populaires.

En gros : plus le « vrai monde » t’aime, moins le « milieu » t’aime. La reconnaissance de l’industrie est inversement proportionnelle à la quantité de spectateurs payants.

C’est sûr qu’à chaque remise de prix, il y a des mécontents. Deux ans plus tard, je n’ai pas encore digéré que Le Mirage, cet excellent film de Ricardo Trogi (scénarisé par Louis Morissette et François Avard), n’ait reçu qu’une seule nomination (pour Christine Beaulieu dans un rôle de soutien). Mais quelle injustice !

C’était un film intelligent et drôle, grand public, mais pas racoleur, brillamment réalisé, écrit et joué.

TOC TOC, C’EST TUKTUQ

Mais au-delà de ces considérations personnelles (j’aime/j’aime pas), on a quand même le droit de se demander si cette édition du gala 2018 n’était pas un party privé d’une clique d’artisans qui se félicitaient entre eux.

Je pense en particulier à Tuktuq. L’œuvre de Robin Aubert (oui, oui, le réalisateur des Affamés) était en nomination comme meilleur film.

C’est l’histoire d’un caméraman qui est envoyé dans un petit village du Nunavik par le très méchant gouvernement libéral.

Les dialogues entre le sous-ministre libéral (qui est évidemment cupide, niaiseux, cynique et machiavélique) et le caméraman (qui est évidemment très gentil, progressiste, ouvert et sensible) sont tellement caricaturaux qu’on ne peut s’empêcher de pouffer de rire.

Le sous-ministre détaille au téléphone à un pur inconnu tous les détails de son plan de déplacement des Premières Nations pour permettre aux étrangers capitalistes de piller le territoire.

Le caméraman au grand cœur dit à sa blonde qu’il espère que son fils ne sera pas atteint de « la peur de l’autre ».

Bref, des clichés à la tonne, d’un côté comme de l’autre.

Il n’y a aucune action dans Tuktuq. On ne voit que des images de paysages du Grand Nord, ainsi que des scènes de pêche et de chasse, avec des voix « hors champ ». À côté de ça, un film d’Ingmar Bergman a l’air du Beachclub un soir d’été à Pointe-Calumet.

Dans la scène la plus surréaliste du film, pendant d’interminables minutes, on voit Robin Aubert faire grincer une porte d’armoire, fasciné par le son qu’elle émet.

Que ce film ait été en nomination comme meilleur film de l’année nous indique assez bien le genre de cinéma que « le milieu » apprécie.

Ah oui, j’ai oublié de vous dire : Tuktuq a été vu par 2180 personnes.

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http://www.journaldemontreal.com/2018/06/06/le-cinema-quebecois-une-porte-qui-grince

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