
DÉCRYPTAGE – Le réalisateur Danny Boyle vient de claquer la porte du prochain James Bond, à trois mois du début du tournage. Un rebondissement de plus dans la genèse du 25e épisode d’une saga dont l’acteur Daniel Craig semble désormais la star toute puissante.
- Jérôme Vermelin
C’est un tweet qui en dit long. "Michael G. Wilson, Barbara Broccoli et Daniel Craig annoncent qu’en raison de différends créatifs, Danny Boyle a décidé de ne plus réaliser Bond 25", pouvait-on lire lundi sur le compte officiel de la saga. Que ses producteurs communiquent une information d’une telle importance se comprend. Qu’ils associent à leur message la vedette du film interpelle davantage. Et donne une idée du poids du comédien dans l’une des franchises les plus anciennes – et lucratives – de l’histoire du cinéma.
Petit flashback. Début 2004, Pierce Brosnan, 49 ans, s’envole pour les Bahamas afin de tourner "Coup d’éclat" avec le réalisateur Brett Ratner. Fort du succès de "Meurs un autre jour", son quatrième film dans la peau de James Bond, et disposant dans son contrat d’une option pour un cinquième volet, l’acteur charge son agent de négocier une hausse de salaire. Sauf que dans la presse, le bruit circule que les producteurs cherchent un 007 plus jeune… et moins cher.
Un coup de fil expéditif de Broccoli et Wilson viendra confirmer la rumeur. "Ils m’ont dit : ‘Nous sommes désolés’. Barbara était en train de pleurer. Michael était stoïque et m’a dit : ‘ Tu as été un grand James Bond. Merci beaucoup.’ J'ai répondu : ‘Merci beaucoup. Au revoir’. C’est tout", raconte Pierce Brosnan dans un ouvrage paru en 2015. "J’ai été totalement choqué par la façon dont on m’a mis sur la touche."
Le comédien était pourtant loin d’avoir démérité. Il avait même relancé la saga, au plus bas après la parenthèse Timothy Dalton dans les années 1980. Sauf qu’il n’était pas propriétaire du personnage, crée par l’écrivain Ian Fleming. Et associé dans l’inconscient collectif à son premier interprète, l’inoubliable Sean Connery, et à un degré moindre à Roger Moore, son successeur au début des seventies. Mais ça, c’était avant que Daniel Craig n'enfile le costume de 007 dans le tonitruant "Casino Royale", en 2006.
Quasi-inconnu du grand public, celui que les producteurs ont repéré dans le polar sanglant de Matthew Vaughn, "Layer Cake", offre un visage plus froid, plus sombre, certains diront plus fidèle au James Bond des romans. Avec lui, l’espion muscle son jeu et surtout gonfle la ligne des recettes. 600 millions de dollars pour "Casino Royale", 586 millions pour "Quantum of Solace" et surtout 1.1 milliard pour "Skyfall", record historique. Et ne parlons pas du tube de la chanteuse Adele, couronné par un Oscar.
Le film suivant, "Spectre", n’a beau engranger "que" 880 millions de dollars, Daniel Craig est devenu une véritable poule aux œufs d’or, grassement payée. Pour ce dernier film, il touchera la bagatelle jamais vue de 55 millions d’euros, une somme qui inclut sa performance d’acteur, une partie des recettes et de juteux contrats de sponsoring. Rien que pour tenir quelques secondes dans sa main le dernier mobile d’une célèbre marque japonaise, l’acteur aurait touché pas moins de 4.6 millions d’euros.
Difficile, dans ces conditions, d’imaginer la suite sans lui. Sauf que Mister Craig a le blues. "Je préférerais me tailler les veines", répond-il fin 2015 à un journaliste de Time Out qui l’interroge sur la perspective d’un sixième opus. Cette punchline retentissante, le comédien va devoir l’assumer, et la tempérer pendant de longs mois avant d’annoncer, à l’été 2017, son retour pour nouveau, a priori, dernier volet. Entre temps, Broccoli et Wilson lui ont cherché un successeur. L’idée d’un James Bond noir incarné par Idris Elba fait le buzz. Celle d’un 007 plus jeunes interprété par Jamie Bell interpelle. Les noms de Tom Hardy, Damian Lewis ou encore Aidan Turner font le bonheur des bookmakers. En vain.
A l’été 2016, le nom de Tom Hiddleston, excellent dans la série "The Night Manager", fait son chemin. Celui que le grand public connaît bien dans le rôle du vilain Loki dans la saga "Avengers" viendrait en "package" avec la réalisatrice danoise Susan Bier. Un écran de fumée ? Plutôt un plan B, au cas où les négociations avec Daniel Craig échoueraient. D’après la presse britannique, le comédien a obtenu 55 millions d’euros, sans l’intéressement aux recettes et le contrat de sponsoring pour revenir. En prime ? Le titre de producteur exécutif, jamais accordé à un interprète de 007 auparavant. Dès lors, le choix du réalisateur fait-il partie de ses prérogatives ?
Daniel Craig était très attaché à Sam Mendes, le réalisateur de "Skyfall" qu’il avait convaincu de revenir pour "Spectre", alors qu’il avait annoncé son départ. Si les noms des talentueux Yann Demange et David McKenzie ont circulé pour prendre la suite, l’acteur et ses producteurs privilégient un grand nom. D’où l’idée d’attirer le Québécois Dennis Villeneuve, qui a fait plus que ses preuves avec "Sicario"," The Arrival" ou encore "Blade Runner 2049". C’est finalement le cinéaste oscarisé de "Slumdog Millionnaire" Danny Boyle qui sera choisi, l'intéressé confirmant la rumeur en mars dernier en marge de la sortie de la série Trust. Au quotidien Metro New York, il révèle même travailler sur le script avec son fidèle scénariste John Hodge ("Petits meurtres entre amis", "Trance").
Fin mai, ce mariage au sommet est annoncé officiellement par les producteurs de la saga. Le tournage doit débuter en décembre, pour une sortie à l’automne 2019 partout dans le monde. Danny Boyle, qui avait été approché à l’époque de "Skyfall, connaît bien Daniel Craig. Il l’a même dirigé dans le costume de 007 dans un court-métrage hilarante, diffusé lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Londres. L’espion allait chercher la reine Elizabeth à Buckingham et l’embarquait en hélicoptère pour le stade olympique… Et puis patatras.
Ce mardi 21 août, Danny Boyle quitte donc le projet en raison de "différends créatifs". On imagine qu’il ne s’agit pas de la chanson du générique. Le script ? Possible. En travaillant de son côté ave John Hodge, le cinéaste tranchait avec la tradition qui voulait que les films soient écrits à plusieurs, y compris par des "spécialistes de la saga". Les récents "Skyfall" et "Spectre" avaient ainsi été co-signés par John Logan, un proche de Sam Mendes, sous la tutelle de Neal Purvis et Robert Wade, aux commandes de la saga depuis "Le Monde Ne suffit pas" en 1999.
Danny Boyle, qui souhaitait s'inspirer de l'actualité, et opposer Bond à un espion russe, a-t-il refusé leur interférence ? Jusqu'ici, rien ne filtre. Mais se pose, en creux, la direction que souhaitent prendre les producteurs pour ce Bond 25 qui ressemble désormais à un projet maudit. Pour beaucoup, "Spectre" bouclait la boucle et refermait les plaies de 007, à vif depuis la mort de Vesper Lynd dans "Casino Royale" et de M dans "Skyfall". Un espion apaisé qui semblait vouloir couler des jours paisibles aux côtés de la psy Madeleine Swann à la fin de "Spectre". Dingue.
Et si le maintien de Daniel Craig était devenu, au fond, le vrai problème de la saga ? Capitaliser sur la popularité de l’acteur, aussi talentueux soit-il, est une chose. Le faire revenir au détriment d’une intrigue cohérente en est une autre. Surtout s’il faut intégrer l’idée qu’il s’agit de son dernier James Bond… ou pas en cas de nouveau carton au box-office ! Un casse-tête que Danny Boyle laisse désormais à un autre. Au risque que le projet soit encore ajourné. Officiellement, la sortie du film au Royaume-Uni est toujours prévue pour le 25 octobre prochain. D'ici là...
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