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Les petites Renault, Peugeot, Citroën délocalisées, triomphent en France - Challenges.fr

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C'est la Clio V! La nouvelle petite Renault est plébiscitée dans l'Hexagone où elle occupe (au premier semestre) la première place, juste devant sa soeur Peugeot 208 II. A 21 unités près. Un beau duo gagnant de modèles réussis, devant une autre citadine, la Citroën C3. Les primes à la casse favorisent plus que jamais les petits véhicules, déjà privilégiés par la fiscalité notamment "écologique", qui battent tous les records en France. Ceux-ci représentent 59% des ventes de véhicules neufs sur le premier semestre. Sur les dix premières ventes en France, neuf appartiennent à cette catégorie. Une bonne nouvelle en principe pour le "made in France", puisque les constructeurs français en sont les grands spécialistes mondiaux. Sur les seize modèles les plus populaires en France, quinze sont d'ailleurs des véhicules de marque tricolore ou appartenant à des groupes français.

Malheureusement, sur ces quinze véhicules, quatre seulement sont... réellement produits dans l'Hexagone, auxquels il faut ajouter la Toyota Yaris japonaise produite à Valenciennes (Nord). Toutes les Renault figurant dans cette liste, sauf la Zoé électrique, sont fabriquées hors de France. Et, sur les huit modèles du groupe PSA, cinq le sont également.  C'est le grand enseignement de ce tableau. Le problème du "made in France", c'est que, en mal de compétitivité, Renault et PSA ont délocalisé leurs "petites" dès les années 2000.

Délocalisation croissante depuis les années 2000

En 2005, PSA démarrait ainsi la production des Peugeot 107 et Citroën C1, coproduites avec Toyota en République tchèque. Ces citadines remplaçaient les 106 et Saxo jusqu'ici fabriquées en France. En 2007, la Renault Twingo migrait à son tour de Flins vers la Slovénie, à l'occasion du passage à la deuxième génération. En février 2010, Carlos Ghosn était carrément convoqué d'urgence par Nicolas Sarkozy, le président de la République d'alors, pour avoir planifié la transplantation (en grande partie) de la production de la Clio de Flins vers la Turquie. Et ce, un an après avoir bénéficié d'un prêt garanti par l'Etat de 3 milliards d'euros, contre un engagement de ne pas fermer d'usines en France ni de délocaliser. En 2012, PSA en quasi-banqueroute annonçait 8.000 suppressions d'emplois en France et la fermeture du site d'Aulnay avec en corollaire le transfert de la Citroën C3 en Europe de l'est. Dernières délocalisations en date: celles des Peugeot 208 et 2008 l'an dernier.

Renault fabrique aujourd'hui hors de France tous ses petits modèles à forts volumes. La Clio (432.000 ventes dans le monde en 2019) est désormais uniquement produite en Slovénie et Turquie. Et ce, alors que l'an dernier, Flins fabriquait encore 42.000 Clio de la précédente génération. La Dacia à bas coûts Sandero-Logan (268.000) est assemblée en Roumanie et au Maroc pour le marché européen, le petit "SUV" Renault Captur (240.000) en Espagne, le 4x4 Duster (126.000) en Roumanie pour les unités destinés au Vieux continent. Chez PSA, outre les Peugeot 108-Citroën C1 de deuxième génération (110.000 ventes en 2019), héritières des 107 et C1, montées en République tchèque donc, les Peugeot 208 (277.300 ventes en 2019) sont dorénavant produites en Slovaquie et au Maroc, les Citroën C3 (240.000) en Slovaquie aussi, les "SUV" Peugeot 2008 (184.200) en Espagne et son équivalent Citroën C3 Aircross (113.600) outre-Pyrénées également.

Renault a mis aussi ses compactes à l'étranger

Les véhicules d'entrée de gamme ou de petite taille aux prix serrés et donc particulièrement sensibles au coût de revient, ne sont pourtant pas seuls à se trouver délocalisés. Car Renault produit aussi hors de France ses modèles compacts… La berline moyenne Mégane et sa version break sont ainsi intégralement assemblées en Espagne (185.000 ventes l'an dernier), tout comme le "SUV"  correspondant, le Kadjar (125.000). Et, chez PSA, la prochaine berline compacte Citroën C4, qui au dernier trimestre 2020 à la fois l'ancienne C4 tricolore et la C4 Cactus espagnole, sera produite à Villaverde, dans la banlieue de Madrid. Pour Renault, le constat est clair: hormis la Zoé électrique (47.000 ventes en 2019), seules ses grandes voitures particulières sont assemblées dans les usines tricolores. Le problème: ces modèles sont à faibles volumes, car ils constituent des semi-échecs pour ne pas dire plus. Il s'agit des monospaces Scénic IV (65.000) et Espace (10.000 seulement) ainsi que de la berline de gamme supérieure (ainsi que le break) Talisman (17.000 à peine), assemblés à Douai (Nord).

Le "made in France" de la firme au losange se concentre en fait, paradoxalement, sur… les utilitaires, qui affichent de meilleures réussites: Kangoo (125.000 ventes dans le monde l'an dernier) principalement fabriqués à Maubeuge (Nord), gros fourgons Master (108.000) à Batilly (Meurthe-et-Moselle), fourgons plus légers Trafic (103.000) à Sandouville (Seine maritime). La France pèse de moins en moins lourd dans la production mondiale de Renault, soit 18% seulement des volumes l'an dernier, contre 30% pour PSA. Côté mécanique, Renault a été aussi très loin dans la délocalisation. Il fabrique ainsi 1,3 million de moteurs thermiques par an en Espagne et un demi-million seulement en France. Il en produit aussi en Turquie, en Roumanie. La France génère donc moins de 20% des mécaniques de Renault réalisées en Europe (en incluant la Turquie, hors Avtovaz en Russie).

Des coûts horaires très élevés

Chez PSA, en revanche, tous les moteurs destinés au Vieux continent (sauf ceux d'Opel) étaient réalisés en France jusqu'ici. Mais, au fur et à mesure que la filiale allemande achetée en 2017 se met à utiliser les moteurs de sa maison-mère, ceux-ci commencent à migrer vers ses usines. La délocalisation va s'accroître. Car l'électrification croissante des véhicules est nocive au "made in France". Toutes les batteries viennent en effet d'Asie. Le chinois CATL équipe ainsi les nouvelles voitures zéro émission du groupe PSA, le coréen LG ses hybrides rechargeables. Or, les batteries coûtent de 8.000 à 10.000 euros, soit presque la moitié du coût total d'un véhicule!

Cette désaffection vis-à-vis de l'Hexagone s'explique. Le coût horaire dans l'industrie y est de 38,7 euros (selon Rexecode), contre 23,6 en Espagne, 18,4 en Slovénie, près de 14 en Slovaquie, 6,6 en Roumanie. Mais les coûts ne sont pas seuls en cause. Malgré les accords de flexibilité de 2013, les usines françaises restent en moyenne à la traîne en matière de productivité, loin derrière Trnava (Slovaquie) ou Vigo (Espagne) pour PSA, Pitesti (Roumanie), Bursa (Turquie), Valladolid (Espagne) pour Renault. Les sites français "doivent encore combler des écarts de plusieurs centaines d'euros par voiture dans les années à venir",  nous expliquait ainsi il y a deux ans Thierry Bolloré, ancien directeur général de Renault. La production auto a chuté de moitié en quinze ans dans l'Hexagone. Avec, comme corollaire, un déficit commercial de la branche auto record (3,8 milliards au premier trimestre, contre 2,8 un an plus tôt). Loin des dix milliards d'excédent annuel au milieu des années 2000.




July 02, 2020 at 04:50PM
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