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L'épicier indien va-t-il mettre la clé sous la porte ? Quand les Simpson sont accusés de racisme

FIGAROVOX/TRIBUNE - L'épicier indien Apu de la célèbre série des Simpson va peut-être devoir faire ses valises : c'est ce qu'a laissé entendre le producteur de la série. Pour Alexis Carré, si l'on veut bannir chaque stéréotype présent dans Les Simpson, autant supprimer tous les personnages...


Alexis Carré est doctorant en philosophie politique à l'École normale supérieure. Il travaille sur les mutations de l'ordre libéral. Suivez-le sur Twitter.


Homer Simpson pourrait bientôt se voir définitivement banni du Kwik-E-Mart géré par le non moins célèbre Apu Nahasapeemapetilon. La raison n'en est pourtant pas sa gourmandise, il est vrai presque criminelle, ou quelque autre péripétie décidée librement par les concepteurs de la série, mais des accusations de racisme visant la production mondialement célèbre de la Fox.

Selon le producteur Adi Shankar, dans des propos rapportés par le site Indiewire, la controverse aurait poussé les producteurs de la série à supprimer prochainement le personnage incriminé. L'information, qu'il déclare tenir de plusieurs sources proches de Matt Groening, le créateur des Simpson, a pour le moment été contestée sur Twitter par Al Jean, l'un des scénaristes du programme. Sans même préjuger de la décision finale concernant le maintien ou non du personnage, cette rumeur prouve qu'une discussion sérieuse est en cours à ce sujet.

» LIRE AUSSI - Les Simpson: le personnage d'Apu supprimé pour faire taire la polémique

L'affaire commence en novembre 2017, avec la diffusion d'un documentaire écrit par le comédien d'origine indienne, Hari Kondabolu. Dans Le problème avec Apu , il accuse le personnage, qui plus est joué par un blanc, de véhiculer des stéréotypes négatifs et humiliants à propos des Américains d'origine indienne. S'exprimant avec un fort accent, le boutiquier avare et passablement malhonnête a pourtant suivi les pas de la plus célèbre famille américaine depuis leur toute première saison au point de devenir l'un des fils conducteurs de la série.

Ces accusations ont néanmoins reçu une attention grandissante et les pressions diverses n'ont depuis cessé d'augmenter sur les concepteurs de la série. L'acteur Hank Azaria donnant voix au personnage est allé jusqu'à proposer de laisser sa place à une personne culturellement plus légitime pour l'incarner.

Au premier abord, ce qui paraît mis en accusation dans le programme, c'est l'usage de clichés. Si l'on voulait purger Les Simpson de ses stéréotypes, il serait certainement plus rapide de supprimer entièrement cette série dont la principale caractéristique depuis trente ans est de tourner en dérision les travers de la classe moyenne blanche aux États-Unis.

Ces controverses sont le symptôme de sociétés de plus en plus incapables de conserver les conditions d'une parole publique libre.

Hari Kondabolu, l'acteur à l'origine de ces critiques, s'est lui-même irrité de la possibilité que le personnage puisse être écarté de la série. Ce qui motive ces revendications n'est donc pas l'existence d'Apu, c'est le désir d'en contrôler la représentation. Les protestataires sont moins gênés par l'usage du cliché, sans lequel beaucoup de comédiens seraient au chômage, que par la possibilité qu'offre la scène, fictive ou réelle, d'incarner des individus dont on ne partage pas la condition. En voulant monopoliser pour elles-mêmes la parole dont elles sont l'objet les communautés cherchent à se protéger de la possibilité d'être moquées ou critiquées par d'autres.

On voudrait presque sourire face à ces nouveaux censeurs qui considèrent que les acteurs, dont la profession est précisément de paraître ce qu'ils ne sont pas, ne peuvent pas légitimement représenter des personnes dont ils ne partagent pas la vie. D'autant que l'on oublie bien vite ces principes quand il s'agit de faire jouer par des comédiens, souvent très riches, des personnages, parfois très pauvres. Qu'est-ce qui justifierait un traitement plus sourcilleux et rigide de la liberté des créateurs s'agissant des identités culturelles ou sexuelles?

Si l'on peut effectivement s'amuser de ces controverses, ou en nier l'importance, elles sont le symptôme de sociétés de plus en plus incapables de conserver les conditions d'une parole publique libre. Car de la même façon que beaucoup d'arts, le régime démocratique repose lui aussi sur la possibilité de la représentation. Pour que le peuple ait la parole, il faut nécessairement que certains parlent pour d'autres, que certains parlent tandis que d'autres écoutent. Dans les arts comme en politique c'est donc une même crise qui touche aujourd'hui toute possibilité d'établir entre des individus dissemblables des liens qui rendent possible d'exprimer les uns sur les autres une parole parfois légère ou sérieuse, parfois généreuse ou piquante.

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