
D'entrée de jeu, Renée Beaulieu affiche ses couleurs. Les premières images de son nouveau film sont celles d'un couple se livrant à un rapport sexuel intense, filmé au ralenti, accompagnées d'une musique tribale, comme pour évoquer la pulsion animale qui pousse deux êtres à s'engager dans de tels ébats.
La réalisatrice, qui signe un deuxième long métrage après Le garagiste, exprime ainsi sa volonté d'aborder la sexualité de façon directe et frontale sans aucune équivoque. Après la séance, alors que les deux partenaires, qui n'ont visiblement rien d'autre en commun qu'une complicité sexuelle, se rhabillent et échangent les banalités d'usage, Marie-Claire (Brigitte Poupart) retrouve sa vie quotidienne. L'entente de couple «ouvert» qu'ont conclue son mari Adam (Vincent Leclerc) et elle stipule aussi que les deux conjoints ne se parlent jamais de leurs aventures extraconjugales.
En faisant de son personnage principal une chercheuse universitaire, mère de deux adolescents, heureuse en couple et menant une vie bien organisée, Renée Beaulieu prépare le terrain pour mieux dynamiter cette vision de l'intérieur. Les normes sociales en matière de sexualité sont remises en question à travers une recherche scientifique à laquelle cette femme de 45 ans décide finalement de participer elle-même. Ainsi, Marie-Claire cherche à savoir si on peut détecter physiquement la différence entre le désir et l'amour en étudiant des cellules prélevées sur la peau.
Sans racolage
Assumant pleinement son appétit, Marie-Claire, toujours active sexuellement avec son mari, multipliera les aventures. La caméra est fébrile, reste très près du personnage, et les ébats sont filmés de façon franche, sans exploitation ni racolage. «Socialement, nous en sommes à vouloir susciter le désir au plus grand nombre, le plus longtemps possible, mais, paradoxalement, le sexe lié à l'amour est fondamentalement le seul qui soit réellement légitime, surtout pour les femmes», dira-t-elle.
La vie «parfaite» de la chercheuse, c'est du moins la vision de son amie Mathilde (excellente Nathalie Cavezzali), une célibataire en mal de famille dont la vie amoureuse est bipolaire, affiche progressivement quelques fissures. Tout au long des événements qui se posent sur sa route (crise conjugale, sexualité précoce de son adolescente, liaison avec un étudiant dont l'amoureuse - Charlotte Aubin - accuse un collègue de Marie-Claire d'inconduite sexuelle), Renée Beaulieu force le spectateur à se questionner.
Le propos est résolument féministe, mais il comporte aussi des zones d'ombre.
Bien sûr, le titre du film est provocant. Et renvoie au deux poids, deux mesures avec lequel les femmes sont trop souvent encore aux prises en matière de sexualité, surtout quand celle-ci est pleinement assumée, et vécue sans culpabilité. Aussi convient-il de souligner l'exceptionnelle composition de Brigitte Poupart, qui plonge ici courageusement dans un rôle casse-gueule en modulant avec virtuosité toutes les tonalités d'un personnage complexe.
L'actrice porte ainsi à bout de bras ce film qui ne fera sans doute pas l'unanimité. La discussion que Les salopes ou le sucre naturel de la peau suscitera devrait être fort intéressante.
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Les salopes ou le sucre naturel de la peau. Drame de moeurs de Renée Beaulieu. Avec Brigitte Poupart, Vincent Leclerc, Nathalie Cavezzali. 1 h 37.
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