« Je ne m'attendais pas à affronter une telle colère. Il ne s'agit plus d'éteindre des feux, il s'agit d'un feu de forêt qui se répand », indique le metteur en scène. Habitué de réagir aux débats entourant les spectacles SLĀV et Kanata par voie de communiqué, Robert Lepage accorde une entrevue radiophonique exclusive à Stéphan Bureau. Le metteur en scène persiste et signe; il maintient sa position en prônant une liberté de création totale.
« Il faut que les gens aient le droit d’utiliser les histoires des autres pour parler des leurs », croit Robert Lepage. Il trouve injuste de subir le courroux de ses détracteurs au sujet de Kanata, lui qui a « toujours essayé de faire de la place aux Autochtones ». Il rappelle avoir monté une pièce de Shakespeare dont la moitié des acteurs étaient des Hurons-Wendats.
Les plaies sont béantes chez les Autochtones. La douleur aussi. Ce qu’il faut comprendre, c’est que [les Autochtones] on leur a tout pris […] On leur a tout volé. Alors, c’est sûr que je comprends absolument que ces gens-là soient méfiants »,
Le metteur en scène revient sur la rencontre qu’il a eue avec 35 membres des Premières Nations à la Société des arts technologiques, à Montréal, jeudi soir dernier. Il s’est dit heureux et privilégié d’avoir dialogué avec eux « dans le respect », mais il n’obtempère pas à leur demande, soit d’inclure des Autochtones parmi sa troupe de comédiens. « On est dans une incapacité de changer ce qui les irrite. […] Le débat est lourd, il est long, complexe, et le temps [de production] est court », précise-t-il. Selon lui, il est difficile de déterminer le nombre idéal d'artistes issus des minorités visibles à intégrer dans une oeuvre théâtrale : « ça ne se quantifie pas ces choses-là. Il y a des gens qui disent : "Il aurait fallu que ce soit moitié-moitié". Pourtant, ceux qui ont annulé le spectacle [SLAV], ils disent : "Ça devrait être toutes des femmes noires". On entend toutes sortes de théories. Il n’y en a pas de chiffres. »
Le metteur en scène est conscient « des plaies béantes chez les Autochnones », il compatit avec leur douleur qu’il souhaite par ailleurs dénoncer dans son spectacle Kanata. En tant qu’homosexuel, Robert Lepage trouve légitime qu’un acteur hétérosexuel puisse se glisser dans la peau d'un personnage gai. Il cite l'acteur Sean Penn qui, dans le film Milk, a su porter avec éloquence la douleur et les injustices vécues par les populations marginalisées.
Dans Kanata, il y a des acteurs britanniques shakespeariens qui sont joués par des Français, le roi d’Angleterre est joué par un Irakien, une Togolaise joue une Haïtienne. « Ce sont des gens qui jouent [des personnages] d’autres [cultures], ils se servent des histoires des autres pour parler des leurs, dit-il. Le spectacle est très critique du Canada, non seulement il n’y a pas d’Autochtones, il n’y a pas de Canadiens. [...] Sur 65 scènes, il n’y a que 15 scènes où l’on voit les Autochtones. »
Toutes les opinions sont légitimes. [...] Il faut que les gens se positionnent sur cette liberté de création, toujours dans le respect. Avec de bonnes intentions, vous pouvez critiquer, vous pouvez boycotter.
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