
The Chemical Brothers étaient de retour à Montréal après 17 ans d'absence.
Photo : Courtoisie evenko / Pat Beaudry
Le désir de s’éclater sur un plancher de danse le samedi soir est un plaisir universel. Il était impensable d’en trouver un plus festif qu’au parc Jean-Drapeau, où des milliers de spectateurs se sont éclatés sur les tempos frénétiques des Chemical Brothers au Festival Osheaga.
Tom Rowlands et Ed Simons ont célébré leur retour à Montréal après 17 ans d’absence en proposant une enfilade de titres fédérateurs du big beat britannique qui étaient soutenus par une production visuelle de premier plan.
Dès les premières notes, des androïdes qui courent et sautent sont apparus sur les écrans avant que l’un d’entre eux hurle un « Go! » – le titre de la chanson –, ce qui a été le signal de départ d’une cavalcade musicale ininterrompue jusqu’au rappel. Ce fut comme si tous les festivaliers et festivalières avaient reçu l'invitation de monter dans un TGV qui n’allait jamais ralentir.
En intercalant des nouvelles compositions du récent No Geography (2019) et en offrant pas mal toutes les essentielles en remontant jusqu’à Exit Planet Dust (1995), les Anglais ont lié le passé et le présent dans une danse irrésistible.
Individus coincés dans les câbles, figures diaboliques, silhouettes se mouvant au ralenti, coquerelles, papillons, robots, superhéros : la liste de personnages numériques qui défilaient sur les écrans selon les compositions était aussi étourdissante que le concert lui-même.
Rarement ai-je vu un engagement aussi constant et uniforme des spectateurs durant un spectacle. Sur la grande estrade ou au beau milieu du parterre, le constat était le même : l’abandon était presque total. Comme Rowlands et Simons enchaînaient sans rupture tous les titres, personne n’a eu le temps de souffler.
Les gens ne connaissaient pas une nouvelle composition? Ils dansaient quand même. Ils reconnaissent à l’oreille un classique (Chemical Beats, Got To Keep On, Hey Boy Hey Girl)? Ça dansait et sautait de plus belle.
Discret derrière leurs machines, les deux Anglais se sont avancés une fois ou deux pour galvaniser la foule en tapant dans leurs mains… comme si elle en avait besoin, avec les rythmes aussi lourds qu’assourdissants – j’ai dû mettre mes bouchons –, les images qui défilaient sur les écrans et le jeu de lumière.
Parlant de galvaniser, je ne sais trop si Galvanize n’a pas été le moment le plus délirant de ce concert qui n’était que ça, délirant. Pendant quelques minutes, tout le monde en avait oublié jusqu’à son nom. Quand Block Rockin’ Beats a connu ce feu roulant de plus de 90 minutes, il n’y avait vraiment plus rien à ajouter.
Impériale Janelle Monáe
Cette pétarade n’était pourtant pas la première de la soirée. Janelle Monáe avait fait tout un carton trois heures plus tôt. En toute logique, on trouvait déjà que l’Américaine était un peu basse dans l’affiche en ce samedi. À 18 h 20. Sérieux? Mais après l’époustouflante prestation qu’elle a offerte, il n’y a aucun doute qu’elle aurait dû être programmée en tête d’affiche l’un des trois soirs du festival.
Cela demeurera toujours partiellement subjectif de dire que tel ou telle artiste a été supérieur à un ou une autre. Mais ce n’est pas uniquement ça dans ce cas précis. Il faut comprendre que Monáe est venue présenter sur une scène extérieure le genre de concert pour lequel le public est prêt à dépenser 300 $ le billet au Centre Bell.
En ouverture, le public massé devant la scène de la Montagne pouvait voir la scène blanche à paliers multiples. Pas vu aucun artiste apporter sa propre scène en fin de semaine jusqu’ici. Puis, on a entendu les mesures du poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra (de Richard Strauss), qui a servi dans le film L’odyssée de l’espace et qui a été le thème musical d’ouverture des concerts d’Elvis Presley à Las Vegas. Une entrée à la Elvis! Pas froid aux yeux, la dame.
Durant une heure, Monáe a fait preuve d’une présence scénique hors du commun. Ouverture dynamitée avec le solide doublé formé de Crazy, Classic Life et Screwed, deux récentes chansons de Dirty Computer (2018). À ses côtés et derrière elle : des danseuses et un groupe presque exclusivement féminin avec son lot de cuivres pour surchauffer le parc Jean-Drapeau. Dans les faits, je ne crois pas avoir vu tant de gens danser dans la fontaine installée au milieu du parc qu’à ce moment.
Impériale de stature, l’Américaine a pris place dans un trône durant Django Jane, avant d’enchaîner avec Q.U.E.E.N. On était dans le gros funk sale pour Electric Lady et on a entendu des relents de Purple Rain durant Prime Time. Monáe a d’ailleurs salué la mémoire de Prince après cette interprétation. On a bien compté six ou sept changements de costumes – magnifiques – dans cette explosion musicale sans temps mort de 60 minutes, incluant un nombre similaire pour les danseuses qui étaient, à un moment, vêtues d’un uniforme moulant à damiers.
Avec sa voix, ses pas de danse, son énergie et son attitude, Monáe est la somme de tout ce qui s’est fait de mieux en soul et en funk. Pour Make Me Feel, elle amorce la chanson guitare en mains (façon Prince), elle s’offre un moonwalk digne de Michael Jackson et elle termine le tout à genoux, comme le faisait James Brown. Rendu là, on ne parle plus uniquement d’héritière musicale. On parle de descendance de droit divin. Au minimum.
Militante assumée, elle a salué le Canada et incité la foule à poursuivre la défense des LGBT, des femmes, des minorités, des Noirs et des immigrants – « on n’est pas nés pour vivre dans une cage » –, et elle a demandé la destitution de Donald Trump, tout ça avant de conclure sur Tightrope. Prochaine fois, tête d’affiche, pas de doute là-dessus.
King Princess
La clameur qui s’est fait entendre lorsque le nom de King Princess est apparu sur l’écran géant de la scène de la Rivière ne mentait pas : Mikaela Straus (de son vrai nom) était l’une des artistes les plus attendues de la fin de semaine.
« Êtes-vous prêt à rocker? » a-t-elle lancé à la foule, guitare en mains, avant d’interpréter Upper West Side, nappée de claviers délicieux. S’il y avait quelque chose de rigolo de la voir se désigner « cheap queen » en interprétant la chanson du même nom, dans les faits, King Princess est déjà perçue par nombre d’observateurs comme la reine queer du moment, et ce, à seulement 20 ans.
Avec une aisance de scène remarquable pour son âge, la figure de proue d’un féminisme contemporain sans complexe aucun a mis tout le monde à sa main avec de nouvelles chansons parues plus tôt cette année (notamment Prophet, excellente) et d’autres qu’elle chante pour la première fois durant l’actuelle tournée, comme Trust Nobody.
Bien sûr, le public était là pour entendre son ode à la liberté sexuelle (1950) qui l’a fait découvrir et, aussi, son hymne Pussy is God, qu’elle a introduit d’étonnante façon.
Toi! Oui, toi, le gars hétéro au milieu du parterre. Je t’ai remarqué… C’est bien. Ça prouve que tu soutiens la cause queer.
On l’a dit, King Princess est sans complexe aucun. Au prochain passage à Osheaga, son nom sera nettement plus haut sur l’affiche.
Lennon Stella
Je n’ai jamais regardé la série télévisée Nashville (2012-2018), dans laquelle bien des gens ont découvert les Canadiennes Lennon et Maisy Stella. Lennon, 20 ans dans quelques jours, était sur la scène de la Montagne un peu après 15 h, et j’ai l’impression que toutes les jeunes filles qui ont regardé la série à l’adolescence étaient massées devant elle.
Lorsque Lennon Stella a interprété Feelings, Bad, Goodbye, Bitch ou repris des classiques certifiés de Rihanna (Umbrella) et de Keane (Somewhere Only We Know), chaque jeune femme ou adolescente chantait avec elle. Secondée par un bon groupe, la jeune femme a une belle voix et du charisme, et elle frappe dans le mille avec des chansons comme Fortress, où elle incite les jeunes femmes à « construire [leur] paradis intérieur ».
Anemone
Un voyageur du Temps qui se serait téléporté dans la tente des Arbres vers 14 h 30 aurait pu se méprendre sur sa destination. À en juger par la tenue vestimentaire, l’attitude et les chansons proposées par le groupe québécois Anemone, il aurait pu croire être au temps du Peace and Love plutôt qu’en 2019.
La chanteuse et auteure-compositrice Chloé Soldevila et ses collègues ont visiblement donné plusieurs concerts au cours des derniers mois. Ça se voit et ça s’entend. Les chansons comprises sur le disque Beat My Distance ont fait mouche auprès d’un jeune public qui, visiblement, était bien heureux d’avoir dans l’oreille une pop irrésistible aux accents d’une époque qu’il n’a pas connu. Joli moment.
U.S. Girls
On en avait eu un bon exemple la veille avec Dear Rouge, et cela s’est avéré une fois encore avec U.S. Girls : tu peux être très tôt au programme, et cela ne t’empêche pas de faire un carton. Le collectif à rotation variable de Meghan Remy l’a démontré.
Soudé comme pas un, le groupe – dont l’instrumentation va des guitares aux claviers en passant par les congas et le saxophone – peut transformer une chanson en apparence inoffensive en jam expressif au possible. C'est ce qui est arrivé avec plusieurs titres du plus récent album de la formation, In a Poem Unlimited, qui formaient le gros de la prestation.
Avec son éclatant costume, Remy, telle une festivalière, est venue se joindre au public au parterre afin de l’entraîner dans une danse irrésistible. On se disait que ça annonçait une fort belle journée, et ce fut le cas.
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